12 octobre 2011

Eloge de la faiblesse


Alexandre Jollien aime la philosophie. Il y trouve un chemin pour penser la vie, l'amour, l'amitié, la cruauté, l'arrogance des pseudo-savoirs, la normalité. Dans "Eloge de la faiblesse", il choisit la dialectique socratique faite de questions/réponses pour disserter sur la différence.

Son expérience c'est celle du handicap moteur cérébral vécu pendant 17 années dans un centre spécialisé. Il témoigne du gouffre des mondes qui se côtoient dans les institutions. D'un côté l'humanité merveilleuse de dépouillement de ses camarades qui savent d'un mot difficilement articulé "Caa Bva ?" lui réchauffer le coeur. De l'autre, des professionnels pas toujours alignés sur leur engagement qui creusent la solitude des pensionnaires par leur approche clinique. 

Une des questions de fond de l'ouvrage est le rapport à la différence, à ce qu'on ne connaît pas et qui nous fait peur. Il y a quelque chose qui n'est pas réglé dans notre société autour du regard posé sur l'autre en général et sur le handicapé moteur en particulier.  "Chacun dissipe un malaise comme il peut."

Quand je croise une personne handicapée, surtout si les mouvements de son corps paraissent désorganisés, j'ai toujours tendance à faire comme si tout était normal car j'ai peur par mon regard soit de laisser croire que j'ai pitié, soit de faire penser que je suis au spectacle. Je crois que la plupart des personnes sont comme moi : nous ne savons pas comment nous comporter parce que les codes habituels de communication subissent des interférences : difficile de croiser le regard par exemple. Que devrions-nous faire ?

Alexandre Jollien en témoigne, la plus grande insulte à ce qu'on est c'est de recevoir de la pitié. La pitié c'est une condamnation à perpétuité à être enfermé dans le jugement de l'autre. Alexandre Jollien c'est tout le contraire, il se bat pour aller jusqu'au bout de ce qu'il est capable et plus loin encore. "Le bonheur, si il existe, s'oppose (...) diamétralement à un confort quiet, tranquille, tiède. Il réclame une activité intense, une lutte sempiternelle ; il s'apparente à une plénitude désintéressée acquise dans un combat permanent...". 

"Être normal" qu'est-ce que c'est ? Je crois qu'on peut devenir fou en essayant de l'être. J'ai plutôt envie de me demander comment vivre sa différence, son anormalité, où trouver suffisamment de confiance en soi, de force de vie, d'acceptation de sa faiblesse toujours relative pour s'éloigner des normes castratrices, construire et vivre en paix avec autrui. La normalité est un fantasme comme l'égalité est une utopie. Nous sommes tous différents.

"Eloge de la faiblesse", Alexandre Jollien
Marabout






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