23 novembre 2011

La bienveillance des poupées



"Créer, c'est toujours parler de l'enfance."
Jean Genet

J'ai toujours aimé les poupées. Elles sont silencieuses et attentives, capables d'absorber tout l'amour qu'on leur porte sans en être écrasées ni réclamer l'espace dû pour cet envahissement. On peut les cajoler, les oublier, les reprendre sans scrupule ni culpabilité. Toujours fidèles, elles affichent indéfectiblement le sourire qu'on attend. Les poupées sont des amies formidables... pour des enfants.

A quoi est dû la magie qui fait qu'un bout de plastique comble un instant l'absence de chair et de sang, celle d'un être fantasmé susceptible de répondre à tous nos désirs de domination ? Est-ce l'irrépressible besoin de chasser la solitude au prix d'un pis-aller de chiffon ? La passivité s'affiche t-elle comme une invitation à la manipulation ? Est-ce la nécessité de voir ses secrets bien gardés qui donne sa valeur à l'attachement ?

Ce qu'il y a de formidable avec les poupées c'est le fait de parler avec peu de mots et d'avoir la sensation d'être compris(e) par ce regard dont le vide exprime la bienveillance. Arrive le moment où il faut faire le deuil de ses amies inanimées pour fouler la cour de récréation, celle des coups et des moqueries, des lâchetés et des méchancetés. Les poupées sont devenues des automates grimaçants manipulés par toute la difficulté de devenir grand.

Je n'ai jamais cassé mes poupées ; mes frères et sœurs s'en sont chargé. Moi qui ne leur faisais que l'école, elles ont enduré les manucures étranges et la gymnastique acrobatique. J'ai parfois la nostalgie de mes poupées bien rangées. Mes rêves d'enfant dessinaient alors un monde de calme et de volupté.


Musée de la poupée
Impasse Berthaud
75003 Paris


Marionnette réalisée par Félicité Chauvé

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