10 janvier 2012

L'horreur est-elle humaine ?


La télévision c'est le tsunami qui vient mouiller votre moquette
Je suis restée de longues années sans regarder la télévision. Avec des ados à la maison et une société en pleine accélération vers l'envol ou le crash, je me suis laissée tenter par la fréquentation de ce monde plein d'images.

On y voit vraiment de tout : du meilleur ("Le premier cri" dernièrement) comme du pire (les infos). C'est une représentation de la vie sans hors-champ, concentrée dans le temps et dans l'espace accompagnée de musique de cinéma : le tsunami qui balaie votre salon, les têtes décapitées qui roulent sur votre tapis mais aussi les paysages du bout du monde qui mettent du bleu et du vert sur les murs de votre intérieur. 

Millenium ou quand l'amour renaît de l'horreur
Hier, j'ai regardé l'incontournable "Millénium, Les hommes qui n'aimaient pas les femmes". Je dis incontournable car il y a bien quelques années déjà que le livre trône sur les têtes de gondole des librairies. Derrière la couverture noire, j'étais loin d'imaginer l'horreur que ce pavé cachait.

C'est l'histoire de la rencontre entre un journaliste d'investigation hors
pair, d'une jeune femme détective privée perturbée pour avoir subi coups et sans doute inceste -d'où son hyper vigilance face aux détails- et un psychopathe richissime tueur en série de jeunes filles juives. C'est aussi l'histoire d'un amour qui renaît des cendres d'un père qu'on a brûlé. Tout cela sur fond de nature suédoise glaciale filmée à la façon des frères Cohen, l'humour en moins.

Quand l'abus en tout genre mène le monde
Les thèmes ne manquent pas : jusqu'où peut-on enquêter sur les malversations financières ? Comment protéger les personnes sous tutelle de l'autorité abusive de ceux qui sont censés assurer leur sécurité ? Quel est le rôle des industriels européens pendant l'occupation allemande ? Y a t-il des secrets dans toutes les familles ? Peut-on sauver un tueur en série ? Est-on coupable d'être le fils d'un monstre et de lui obéir ?  Peut-on encore aimer quand on n'a connu que l'abus ? Les violences reçues mènent-elles à la folie ? Peut-on s'en sortir ?

Peut-on donner une nouvelle chance aux monstres ?
Je me suis couchée hantée par la question du pardon. Dans le film, la jeune-femme laisse mourir le tueur en série alors qu'elle aurait pu le sauver. Qu'aurais-je fait à sa place ? Doit-on permettre au tueur de faire de nouvelles victimes ? A qui devons-nous rendre compte dans notre décision ? Aux victimes, à la société, au droit, à Dieu ?  L'horreur de ce qu' a fait un assassin pervers n'est-elle pas si saisissante qu'il doive choisir sa propre mort comme preuve d'un retour à la conscience.

Je ne sais pas. Personne ne sait. Voici ce qu'en disait Diderot (1713-1784) dans Entretien d'un père avec ses enfants. 


"[...] Je suis médecin. Je regarde mon malade ; en le regardant, je reconnais un scélérat, et voici le discours que je lui tiens : "Malheureux, dépêche-toi de mourir ; c'est tout ce qui peut t'arriver de mieux pour les autres et pour toi. Je sais bien ce qu'il y aurait à faire pour dissiper ce point de côté qui t'oppresse mais je n'ai garde de l'ordonner ; je ne hais pas assez mes concitoyens, pour te renvoyer de nouveau au milieu d'eux, et me préparer moi-même une douleur éternelle par les nouveaux forfaits que tu commettrais. Je ne serai point ton complice.  On punirait celui qui te recèle dans sa maison et je croirais innocent celui qui t'aurait sauvé ! Cela ne se peut.[...]


Photo : J.Bosch, l'Enfer

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